La rentrée littéraire, c’est quoi au juste ?

La rentrée littéraire, c’est quoi au juste ?

L’exception culturelle française ne se cantonne pas qu’à l’industrie du cinéma mais concerne également celle du livre ! Chaque année, entre la fin du mois d’août et le début du mois de novembre se déroule la « rentrée littéraire ». C’est un événement annuel incontournable qui trouve ses origines dans nos traditions mais qui s’est essentiellement développé pour des raisons commerciales. La rentrée littéraire s’apparente à une période commerciale durant laquelle un grand nombre de nouveaux livres paraissent sur le marché. Par définition, une industrie doit générer des profits, n’en déplaise à certains auteurs et lecteurs ! Retour sur les origines et les espoirs placés dans LE phénomène littéraire français.

Origines de la rentrée littéraire

Tous les ans à l’approche de l’automne, le monde du livre est en effervescence : entre 500 et 600 romans sont attendus sur les tables des librairies physiques et en ligne ! Même si personne ne trouve réellement le temps de lire tous ces livres, hormis les journalistes et chroniqueurs internet – les vacances d’été venant à peine de s’achever – la rentrée littéraire est devenu, au fil du temps, un événement culturel majeur dans l’Hexagone. Une question s’impose : d’où vient ce phénomène ?

Une expression qui fait date

Dater avec certitude la première édition de la rentrée littéraire est complexe. Une chose est néanmoins certaine : elle va de pair avec le prix Goncourt dont l’origine remonte au XIXe siècle. Si la première rentrée littéraire est difficile à dater, certains pensent que Mallarmé utilisait déjà le terme « rentrée » en 1874, lorsqu’il évoquait la reprise de la vie culturelle au mois de septembre, après la pause estivale. Mais l’expression « rentrée littéraire » semble être apparue dans les années trente seulement, dans les pages du journal Figaro et sur certains salons littéraires.

Un évènement qui prend forme

La rentrée littéraire, telle qu’on la connait aujourd’hui, date plutôt de la fin des années 50, c’est-à-dire bien après la création des principaux prix littéraires français auxquels elle est intimement liée (Goncourt, Renaudot, Femina, Medicis, Interralié, etc.). En effet, l’échéance de ces prix étant concentrée au mois de novembre, les éditeurs ont commencé à organiser leurs parutions à la rentrée des grandes vacances, pour finalement rassembler uniquement les romans susceptibles d’être primés. Même si les prix littéraires récompensent les livres parus dans l’année, l’attention médiatique est telle durant la rentrée littéraire que les jurys se focalisent souvent sur les nouveautés parues à cette occasion. L’être humain a la mémoire courte, même dans une industrie aussi élitiste que celle du livre !

Objectifs de la rentrée littéraire

Vous l’avez compris, sous l’impulsion du prix Goncourt, la rentrée littéraire s’est affirmée comme un événement littéraire annuel incontournable. Mais pourquoi tant d’engouement ? Ne tournons pas autour du pot. La rentrée littéraire, si elle répond à notre besoin très « français » de perpétuer les traditions, répond surtout au besoin commercial des éditeurs.

Le respect des traditions

La France est un pays qui aime les livres et qui aime se reconnaître comme aimant les livres. La France aime aussi les symboles, elle aime maintenir les traditions et aime tout ce qui est centralisé – le concept désuet « Paris / Province » en atteste. La rentrée littéraire répond à tous ces besoins. Dans d’autres contrées, la rentrée est plus diluée et le concept de rentrée ne s’incarne pas comme en France au mois de septembre. La rentrée littéraire existe bien en Belgique mais, comme le rappelle Gisèle Sapiro dans cette interview « on peut supposer que c’est en raison de sa proximité avec la France. Cette spécificité tient sans doute en partie à la centralisation géographique de la vie culturelle française autour de la capitale, qui en fait un espace très concentré de débats, de négociations et de luttes, aussi bien publics que privés. Elle est probablement due aussi aux liens entre l’édition et la presse écrite. Elle tient enfin à l’importance qu’a encore la littérature en France, alors que son statut dans la société décline ailleurs, notamment sous l’influence des États-Unis, où l’intérêt pour la non-fiction l’emporte désormais sur celui pour la fiction ».

Le boom des ventes de livres

Cette tradition ancrée implique des retombées commerciales qui ne font pas l’essentiel du chiffre d’affaires de l’édition mais y participent grandement. Si les grandes maisons d’édition se risquent à des paris pour gagner des prix à l’automne, c’est uniquement pour en tirer un maximum de profits. Pourquoi le prix Goncourt est-il l’objet de toutes les convoitises ? Simplement parce que son lauréat se vend en moyenne à 400 000 exemplaires chaque année ! La rentrée littéraire a donc pour objectif ultime de stimuler les ventes de livres. Ce n’est pas tant de ventes directes qu’il s’agit, mais l’objectif des éditeurs est de faire parler de leurs livres (presse, buzz internet et sur les réseaux sociaux), d’obtenir de bonnes critiques et, avec un peu de chance, d’obtenir un prix avant les fêtes de fin d’année. Le succès d’un livre à la rentrée littéraire dépend en grande partie de ses ventes durant les fêtes de fin d’année. Les éditeurs ont donc tout intérêt à faire paraître leurs titres les plus prometteurs à la rentrée littéraire s’ils veulent espérer un maximum de ventes avant les fêtes de Noël.

Les livres mis en avant lors de la rentrée littéraire

Dans ce contexte à but lucratif, chaque année, les plumes de premiers romans ou d’auteurs confirmés sont toujours plus nombreuses à l’occasion de la rentrée littéraire. Si les primo-auteurs stagnent à un peu plus de 10 % de la quantité de livres publiés, la part des auteures (autrices) progresse nettement depuis le début des années 2010. C’est un juste retour des choses puisque les auteures ou autant de talent que leurs homologues masculins ! D’un point de vue strictement marketing, voir paraître plus de titres d’auteures à la rentrée littéraire est également logique : les femmes sont les plus grandes lectrices de romans, les hommes s’adonnant moins à cette pratique, les éditeurs misent donc sur les auteurs du même sexe pour faire basculer l’acte d’achat des lectrices.

Les chiffres clés de la rentrée littéraire 2019

• 524 : comme le nombre de livres publiés.

• 336 : comme le nombre de romans français publiés.

• 65 : comme le nombre de premiers romans publiés

Cet article vous paraît trop mercantile ? Il manque de poésie ? Vous avez sans doute raison mais le marché du livre est une industrie qui cherche à générer des profits. Oublier la poésie de comptoir, la rentrée littéraire répond principalement à des desseins mercantiles. Heureusement d’ailleurs puisque la littérature prend toujours moins de place dans l’espace médiatique. Il est toujours plus difficile pour un livre d’exister sur le marché, l’offre étant devenue pléthorique. La rentrée littéraire permet à la littérature de rester attractive face à la toute puissance d’Internet, de la musique, du cinéma et des jeux vidéo. Elle permet de faire parler de livre méconnus, même si les journalistes se focalisent souvent sur les titres et les noms les plus clinquants. La rentrée littéraire offre aux auteurs la visibilité nécessaire pour espérer recevoir un prix et / ou atterrir sur les étals des libraires. Elle permet aussi aux libraires indépendants d’étoffer leur offre en se démarquant des bestsellers proposés par les grandes surfaces et les grandes enseignes culturelles. Mais surtout, si la rentrée littéraire reste encore si haute à l’affiche, cela prouve, s’il le fallait, que la lecture reste une activité appréciée des Français. L’édition de livres a encore de beaux jours devant elle.

Et si, un jour, la rentrée littéraire consacrait des livres auto-édités ? On a toujours le droit de rêver !

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