Comment écrire de la poésie (en vers) ?

Comment écrire de la poésie (en vers) ?

Vous aimez la poésie et aimeriez en écrire mais vos connaissances en matière de vers, de rimes et de strophes sont limitées ? Alors, ça risque d’être compliqué. Que vous souhaitiez écrire des poèmes ou des paroles de chansons, si vous voulez améliorer considérablement la qualité de vos vers, lisez ce qui suit afin d’appréhender les techniques de la versification.

Le système métrique poétique

Commençons par la base : le mètre dans la poésie. La métrique vous permet de créer le rythme de votre poème. Il existe de nombreux types de vers : certains sont beaucoup plus courants et utilisés que d’autres. Les vers comptant au-delà de douze syllabes sont relativement rares.

Dans la poésie française, on retrouve principalement des vers de quatre, six, huit, dix et douze syllabes. Cela dépend des époques, du type de poésie, et du rythme que vous voulez donner à votre poème.

Voici les appellations des différents vers :

  • 1 syllabe : monosyllabe
  • 2 syllabes : dissyllabe
  • 3 syllabes : trisyllabe
  • 4 syllabes : tétrasyllabe
  • 5 syllabes : pentasyllabe
  • 6 syllabes : hexasyllabe
  • 7 syllabes : heptasyllabe
  • 8 syllabes : octosyllabe
  • 9 syllabes : ennéasyllabe
  • 10 syllabes : décasyllabe
  • 11 syllabes : hendécasyllabe
  • 12 syllabes : alexandrin ou dodécasyllabe

Il faut savoir qu’il existe également les poèmes écrits en vers libres, c’est-à-dire que l’auteur utilise plusieurs types de vers sans schéma spécifique : il peut ainsi mélanger des vers de sept, neuf, de douze et quatorze syllabes sans aucun sens particulier.

Alexandrin ou dodécasyllabe ?

Alors oui ! Sachez-le, un vers de douze syllabes n’est pas toujours un alexandrin contrairement à ce que l’on nous dit dans nos cours de français au collège. Certes, il s’agit de la forme que l’on trouve le plus mais ce n’est pas la seule, et il faut savoir faire la différence si vous voulez écrire de véritables alexandrins !

L’alexandrin est un donc un vers de douze syllabes dont les deux hémistiches (la moitié d’un vers) sont égaux, dans ce cas ils sont composés de six syllabes chacun. Néanmoins, cela ne suffit pas à dire qu’un vers de douze syllabes est un alexandrin ! En effet, l’alexandrin contient également quatre éléments rythmiques, que l’on appelle des mesures, terminés par un accent d’intensité. Les deuxième et quatrième sont fixés sur les sixièmes et douzièmes syllabes. Les deux autres mesures ont un emplacement variable à l’intérieur des deux hémistiches.

Voici un exemple pour vous aider :

J’ai sélectionné le 273ème vers de l’acte I, scène 3 de Phèdre écrit par Racine (1677). Phèdre dit : « Je le vis, / je rougis, // je pâlis / à sa vue ». On retrouve d’abord la césure (ce qui sépare les deux hémistiches) qui est marquée ici par la double barre oblique. Puis, les quatre mesures sont indiquées par l’ensemble des barres obliques : par conséquent, cela nous donne un rythme régulier divisé comme suit : 3/3/3/3. Notons que les virgules peuvent aussi marquer cette division mais pas nécessairement.

Il est important de savoir que l’alexandrin est un mètre dit solennel, officiel et sérieux. Donc si votre poème aborde un sujet ou un thème grave, pensez à utiliser l’alexandrin afin d’amplifier l’effet recherché. Par exemple, Jean de la Fontaine, dans ses Fables (pour citer une œuvre connue), utilise très fréquemment l’alexandrin (cf. Le Lion et le Rat) : on associe le côté solennel de cette métrique avec la majesté du Lion et sa royauté. Cela vous donne un exemple d’utilisation de l’alexandrin et ses effets. On note aussi qu’il alternait également souvent les alexandrins et les octosyllabes (cf. Le Lièvre et la Tortue). 

A contrario, le dodécasyllabe n’est qu’un vers de douze syllabes ordinaire : la césure peut être placée n’importe où.

La strophe dans la poésie en vers

La strophe est l’équivalent du paragraphe d’un texte en prose et est composé de plusieurs vers. Voici les différents types de strophes :

  • 2 vers : distique
  • 3 vers : tercet
  • 4 vers : quatrain
  • 5 vers : quintil
  • 6 vers : sizain
  • 7 vers : septain
  • 8 vers : huitain
  • 9 vers : neuvain
  • 10 vers : dizain
  • 11 vers : onzain
  • 12 vers : douzain

Il est d’autant plus rare de trouver des strophes composées de plus de neuf vers, mais ça existe. Sachez que l’étude des strophes est utile et intéressante pour reconnaître un certain type de poème. En effet, le sonnet est un parfait exemple de ce que j’avance ici : le sonnet constitue une structure de poème à forme fixe, composé de deux quatrains et deux tercets, ce qui fait un total de quatorze vers (généralement accompagné de rimes embrassées). Par conséquent, si vous reconnaissez le sonnet rien que par sa construction, vous pouvez savoir en amont de quel genre de poème il s’agit avant même de le lire – mais pas toujours !

Les jeux de sonorités dans la poésie française

L’écriture poétique permet de jouer sur les sonorités, mais sachez qu’il n’y a pas que les rimes qui le permettent. Le fait de jouer sur les sons dans un poème ne sert pas qu’à « faire joli » et nous allons voir pourquoi.

Tout d’abord, intéressons-nous à la rime. Vous savez tous ce qu’est une rime, je ne vais donc pas vous ennuyer avec une définition. Etudions alors leurs caractéristiques !

Schémas de rimes

Les trois principaux schémas de rimes que l’on retrouve dans la poésie française sont les suivants :

  • Les rimes plates ou suivies : AA BB CC DD…
  • Les rimes croisées ou alternées : ABAB CDCD…
  • Les rimes embrassées : ABBA CDDC…

Petit point intéressant sur la rime plate ou suivie : on la retrouve généralement dans les pièces théâtre, le genre de l’épopée et la poésie didactique latine. En outre, comme la rime plate s’associe très souvent à la poésie solennelle, on lie régulièrement celle-ci et l’alexandrin pour en accentuer les effets.

Types de rimes

Là encore, on regroupe trois types de rimes (ceux que l’on retrouve le plus). Pour vous aider à y voir plus clair, je vais vous présenter des exemples pour chacun d’entre eux, car je suis bien consciente que tout cela peut paraître bien flou.

  • Les rimes pauvres : 1 phonème

– « doux » et « cailloux » [u]

– « beau » et « sot » [o]

  • Les rimes suffisantes : 2 phonèmes

– « vainqueur » et « fureur » [oeʁ]

– « mal » et « cristal » [al]

  • Les rimes riches : 3 phonèmes ou plus

– « chambre » et « ambre » [ɑ̃bʁ]

– « pierre » et « lumière » [jɛʁ]

Le type de rime s’apparente à l’intensité des liens entre les mots. Par conséquent, plus la rime est importante, plus les mots concernés sont importants dans le poème et ont une signification sur laquelle le lecteur doit s’attarder.

Genres des rimes

Eh oui, vous avez bien lu, même les rimes ont un genre ! Mais c’est très simple à comprendre : si les mots se terminent par un « e » on dira qu’il s’agit d’une rime féminine ; tous les autres mots forment des rimes masculines. Voici quelques exemples :

  • « pierre / lumière » et « chambre / ambre » sont des rimes féminines.
  • « vainqueur / fureur » et « mal / cristal » sont des rimes masculines.

Les poètes, qui ont fait l’éloge de la femme qu’ils aimaient dans des poèmes, n’utilisaient pratiquement que des rimes féminines pour justement rappeler cette féminité.

Pour finir sur la rime, notez simplement qu’elle a un rôle que l’on pourrait qualifier d’ « associatif », car elle révèle la structure sémantique du poème. De plus, on trouve souvent les mots clefs dans les rimes.

L’allitération et l’assonance

L’allitération est la répétition de consonnes phonétiques dans un poème, tandis que l’assonance marque la répétition de voyelles phonétiques.

Ce sont des figures de style qui servent à mimer phonétiquement, donc, un sujet ou un thème exposé dans un vers, une strophe et même dans un texte en prose. Elles mettent en valeur et en évidence le sens et les paroles du poème. Plusieurs allitérations et assonances sont associées, dans les normes de la poésie française, à un certain type d’effet et de sujet. Afin d’expliciter tout cela, je vais vous présenter plusieurs exemples :

  • « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » Ici, l’allitération en [s] imite le sifflement du serpent. Voici un genre d’allitération que l’on peut retrouver assez souvent.
  • « L’aurore grelottante en robe rose et verte » Ici, nous avons une assonance en [ɔ] / [o] qui peut retranscrire une certaine lenteur.

De plus, pour vous aider, les allitérations en [f], [v], [z] et en [s] font souvent référence au bruit du vent, de frottement ou encore de souffle.

  • « Un effroyable cri sorti du fond des flots. »

Et, autre exemple, l’assonance en [i] renvoie généralement à un bruit strident ou aigu ou une action rapide, vive.

  • « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui

Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre »

Notez que pour identifier une allitération ou une assonance – ou tout autre jeu sur les sonorités – vous devez vous imprégner du texte dans son ensemble.

La diérèse et la synérèse

La diérèse correspond au fait de diviser oralement une syllabe en deux ; tandis que la synérèse correspond au contraire, c’est-à-dire de réunir oralement deux syllabes pour n’en former qu’une. Elles ont pour effet de mettre en valeur un mot à l’intérieur d’un vers, a contrario de la rime, mais elles servent aussi souvent à respecter la métrique du vers. On ne peut pas utiliser ces deux procédés aléatoirement. En effet, le mot soumis à la diérèse ou à la synérèse doit posséder une origine latine correspondante (même si je dois avouer que dans la poésie contemporaine, on a tendance à oublier cette règle, à vous de voir si vous voulez en tenir compte ou non). Je vais vous lister quelques exemples de vous aider à comprendre :

  • « Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige » Dans ce vers, Baudelaire applique une diérèse au mot « violon » dans le but de respecter l’alexandrin. A l’oral, vous direz donc « vi-o-lon » au lieu de « vio-lon ». Et l’origine latine de « violon » est viole (qui vient de viola, originaire du latin médiéval vitula).
  • Le mot « ruine » est souvent utilisé dans le cas d’une synérèse, car son origine latine le permet : ruina qui vient de ruo. On ne dira pas « ru-ine » mais « rui-ne ».

Notez bien que la diérèse et la synérèse sont des « anomalies » volontaires ! Vous n’en trouverez que si le poète a décidé d’en placer pour créer un effet bien spécifique :

  • Mettre en valeur un mot
  • Respecter la métrique
  • Créer une dissonance

Le hiatus et l’élision dans la poésie

A l’intérieur d’un vers, lorsqu’un mot, dont la lettre finale est une voyelle, précède immédiatement un mot commençant par une voyelle, il se produit alors soit une élision soit un hiatus. On dit qu’il y a élision quand la première des deux voyelles est supprimée, tant dans la prononciation que dans le compte des syllabes (comme le « e » caduc). Je vais illustrer mes propos par des vers extraits des « Bijoux » de Charles Baudelaire, 1861.

  • « Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne »

Et, il y a hiatus quand elles se prononcent et comptent toutes les deux. Cependant, on doit scinder le hiatus en deux catégories : le hiatus dit agréable et désagréable.

  • « Elle était donc couchée et se laissait aimer » : la répétition du son [e] créé un hiatus désagréable, car on a deux fois le même phonème, la même voyelle.
  • « Et la lampe s’étant résignée à mourir » : les deux voyelles distinctes [e] et [a] créées un hiatus agréable.

Notez que, dans la poésie, le « e » final d’un mot sera compté s’il est suivi par un mot commençant par une consonne. Par exemple, le vers « Terminus en gare de Sète », de la chanson de Georges Brassens, est bien un octosyllabe et non pas un heptasyllabe.

L’enjambement et le rejet poétique

Voilà une partie plutôt complexe à comprendre au début – surtout si on ne bénéficie pas d’explications claires et précises – mais qui se révèle assez logique en fin de compte quand on s’y attarde. Si vous êtes un amateur de poésie française, vous avez très certainement déjà vu des enjambements et des rejets, mais les avez-vous remarqué ?

Bien qu’il s’agisse de deux termes bien distincts en apparence, ils se révèlent être très proches et il est difficile au début d’en absorber toute l’essence. Un enjambement est une proposition ou une phrase (comme vous préférez) qui commence dans un vers et se termine dans un autre sans le remplir, tandis qu’un rejet est une proposition qui commence dans un vers et se termine dans un autre en le remplissant. Pour l’instant, vous me direz que ce n’est pas compliqué à comprendre, mais attendez, ça se corse.

Les quatre types de rejets

Oui, quatre types de rejets. Si jusqu’ici ça allait, là je pense que je vais vous perdre un peu – et c’est normal – mais pour les plus courageux et les plus ambitieux d’entre vous, c’est parti !

Il y a deux types de rejets et deux types de contre-rejets. Ne partez pas, je vais tout vous expliquer. Commençons par les rejets.

  • le rejet interne est un élément bref, au début du second hémistiche qui se rattache grammaticalement à l’hémistiche précédent. Voilà deux exemples :

« La puanteur était / si forte, que sur l’herbe »

« Tout cela descendait, / montait comme une vague ».

  • le rejet externe est un élément bref, au début d’un vers qui se rattache grammaticalement au vers précédent. Voici deux exemples :

« Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d’exhalaisons »

« D’où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide »

Passons finalement aux contre-rejets. Allez, encore un peu de courage, on arrive à la fin.

  • le contre-rejet interne est un élément bref, à la fin du premier hémistiche qui se rattache grammaticalement à l’hémistiche d’après. Voici deux exemples :

« Rappelez-vous l’objet / que nous vîmes, mon âme »

« Les jambes en l’air, comme / une femme lubrique »

  • le contre-rejet externe consiste à placer à la fin du vers un mot ou un groupe de mots qui appartient, par la construction syntaxique et par le sens, au vers suivant grâce à l’enjambement. En voilà deux exemples :

«  Au détour d’un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux »

« Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers »

Enfin, retenez que le rejet et le contre-rejet sont deux cas particuliers de l’enjambement.

Mais à quoi ça sert de savoir tout ça en fin de compte ?

En effet, je peux concevoir que vous vous posiez cette question, car moi-même je me la suis posée au début. Cet article ne consiste pas en un cours barbant de littérature, ce n’est pas mon objectif. Selon moi, il est important de connaître les bases fondamentales de la versification française lorsque l’on souhaite écrire de la poésie. Si vous êtes un poète en herbe, vous devez savoir toutes les subtilités – finalement primaires – de la versification. Pourquoi ? Pour pouvoir les reconnaître et les utiliser à votre tour afin de créer les effets recherchés chez vos lecteurs et dans votre poème tout simplement. Vous ne pouvez pas faire n’importe quoi non plus : comme écrire un vers de douze syllabes et tout de suite prétendre qu’il s’agit d’un alexandrin, le vers noble par excellence, ou encore faire des enjambements à tout va sans réel but derrière. Tous ces effets stylistiques servent à quelque chose et ne doivent pas être usés à outrance.

En tout cas, si vous partagez tout comme moi la passion de la poésie, lancez-vous ! Suivez votre instinct, votre plume, c’est essentiel mais n’oubliez pas les règles. L’écriture sans normes serait bien triste, vous ne trouvez pas ?

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